La Fille du régiment, version concert mise en espace
Rythme enlevé, personnages campés de manière efficace et rapide, dynamique claire définissent les grandes lignes de La Fille du régiment, version concert-mise en espace. Chaque interprète peut approfondir la force des dialogues et l’accompagner par un travail naturel sur les jeux de regard pour rester au plus près du tempérament des personnages avec virtuosité, humour et sincérité.
L’œuvre
Comme tous les opéras comiques, La Fille du régiment alterne les dialogues parlés avec des moments chantés. Il utilise le style du Parlato, conversation en musique qui diffère du récitatif puisqu’il n’y a là aucun caractère chanté dans la technique vocale. Donizetti s’éloigne cependant des conventions en faisant avancer l’action durant les airs chantés, là où ils servent en général de vecteurs sentimentaux, de temps d’arrêt. Cette œuvre est écrite dans le plus pur style français puisqu’elle présente, outre les grands airs du ténor, de nombreux passages aux ambitus vocaux resserrés couplés à des figures de basse répétitives, bien mises en évidence durant le trio de l’acte II. L’action y est si virevoltante et pétillante que les vrais moments solistes sont bien souvent interrompus par les interventions d’autres personnages. Celles-ci sont appelées perticchini : c’est aussi là la patte d’un opéra-comique tout à fait connecté à l’esprit vaudeville et qui use de tous les tropes narratifs de l’opéra-comique pour imposer son univers. Au niveau technique, Donizetti intègre énormément de conventions différentes à son œuvre avec des passages réminiscents du belcanto italien, des rythmes militaires et du grand opéra.
La Fille du régiment est encore aujourd’hui un opéra populaire en France qui brille par son emphase positive : tantôt entrainant, tantôt héroïque et le plus souvent amusant, ce petit chef-d’œuvre du genre n’en est pas moins une référence de virtuosité vocale qui a su rester accessible par des mélodies bon enfant, accrocheuses et populaires.
Quant au livret, il est une création totalement originale de Jean François de Bayard et Henri de Saint-Georges. C’est un point de départ peu orthodoxe : la création lyrique base en général ses récits sur une œuvre littéraire ou un mythe populaire. Mais dans le cas de La Fille du régiment, c’est en s’inspirant des campagnes napoléoniennes et de l’ambiance bucolique du Tyrol que le scénario se dessine. Outre un patriotisme revendiqué et une certaine nostalgie du premier Empire, les librettistes s’amusent également de la lutte des classes à travers les personnages de Marie et de sa mère la Marquise de Berkenfield. C’est une histoire d’amour triomphant de la bêtise !
Le compositeur
Gaetano Donizetti (1797-1848) est, avec son aîné Rossini et son contemporain Bellini, un des trois piliers du belcanto romantique italien. Né à Bergame dans une famille nombreuse et pauvre, il apprend la musique avec son oncle, et surtout avec le compositeur allemand Simon Mayr, qu’il considéra toujours comme son second père. À l’âge de dix-huit ans, il quitte sa ville natale pour aller parfaire ses études musicales et il compose ses premières œuvres, tout en rencontrant des collaborateurs et éditeurs potentiels. En 1822, il s’installe à Naples où il devient directeur musical du Teatro Nuovo. Quelques années plus tard, il est nommé directeur musical des Théâtres Royaux de la ville, poste occupé autrefois par Rossini ; il le restera dix ans. La période napolitaine de Donizetti est extrêmement féconde : il écrit en moyenne quatre opéras par an ! En 1830, la composition de Anna Bolena marque un tournant dans sa carrière et lui donne une envergure nationale. En 1838, Donizetti s’installe à Paris, capitale du monde musical européen à l’époque (Rossini s’y était établi en 1824). Les succès se suivent, jusqu’en 1843, année de la composition de son chef-d’œuvre comique, Don Pasquale. Mais, malade, il sombre progressivement dans la folie et est interné en 1845 à Ivry. En 1847, sa famille peut enfin obtenir son rapatriement à Bergame, où il passera les derniers mois de sa vie.