En écho à sa version concertante de Così fan tutte, Christophe Rousset a conçu un programme de concert consacré également à Mozart.
Pour ce concert, l’Orchestre sera mis à l’honneur avec les Symphonies Paris et Haffner. Celles-ci ne sont pas parmi les plus jouées de l’œuvre de Mozart : néanmoins, le compositeur y déploie tout son art de la sophistication, aussi bien de l’harmonie et des courbes mélodiques, et son sens de l’orchestration toujours éblouissant.
Les quatre airs de concert au programme sont, quant à eux, encore plus rarement entendus. D’une qualité exceptionnelle, ceux-ci auraient pu figurer dans les meilleurs opéras de Mozart !
Symphonie n°31 en ré majeur, K. 300a (Pariser Sinfonie)
Composée sur commande pour Joseph Le Gros pour son « Concert Spirituel », cette symphonie parisienne est un bon résumé du goût français de l’époque : ouverture solennelle, crescendos massifs et majesté. Mozart, dont la symphonie concertante avait été incomprise par le même commanditaire, décide de plaire au public local : il estime que cette pièce plaira aux mélomanes qu’aux auditeurs moins avertis. Elle fait appel à une large section de bois (flûtes, hautbois, clarinettes – une première – et bassons), mais à peu de cuivres. La section de cordes est plus classique avec ses violons solistes tandis que les timbales sont les seules percussions. Elle fut présentée pour la première fois le 18 Juin 1778 mais sera rejouée dès le mois d’août avec un Andante remanié – celui-là même qui est à présent donné et qui marque une nuance entre la version K. 297 et celle-ci.
• Allegro Assai : Ré Majeur
Le premier mouvement de cette symphonie « parisienne » nous offre en quelque sorte une synthèse des caractéristiques musicales de l’œuvre. Dans le style enjoué, vivant, mais très facile d’accès qu’on lui connait bien, Mozart offre une théâtralité, de puissants accords marqués et de multiples variations rythmiques, à cette audience qu’il veut impressionner.
• Andante : Sol majeur
Mozart en recompose une partie à la suite d’une première proposition jugée trop audacieuse. Un peu piqué au vif, il misera avant tout sur l’efficacité mais ne pourra s’empêcher de dériver sur des contemplations plus personnelles : grâce et douceur dominent, entremêlées d’un aspect solennel propre à l’ensemble de la pièce.
• Allegro : Ré Majeur
Ici, ce sont avant tout les contrastes musicaux et les sauts de dynamique qui priment : le thème s’articule doucement aux violons avant de déboucher sur de soudains moments de triomphe orchestraux.
Air de concert, K. 420 • « Per pietà non ricercate »
Pasquale Anfossi, contemporain de Mozart, fera quelques fois appel à celui-ci afin d’expérimenter différents airs pour ses opéras. Per pietà non ricercate, tiré d’Il Curioso Indiscreto en est un bon exemple. En plus d’être écrit spécifiquement pour le ténor Valentin Adamberger, cet air est destiné au personnage du comte Ripaverde. Sans trop s’avancer, on peut supposer qu’il préfigure sans doute, dans son écriture, le Comte des Nozze di Figaro.à l’instrumentation tantôt épurée lorsque la voix domine, tantôt ornée d’un savant contrepoint, n’avait finalement pas été retenu lors de la première représentation en juin 1783. À l’instar de la plupart des airs concertants qui suivent, il est à classer parmi les trésors méconnus du génie de Salzbourg.
Air de concert, K. 584 • « Rivolgete a lui lo sguardo »
Cet air, joué avec une vivacité allegro a, en revanche, bel et bien été composé par Mozart pour l’un de ses propres opéras, Così fan tutte. Néanmoins, la scène sera finalement réécrite et l’air sera remplacé par Non siate ritrosi. En effet, la pièce est jugée trop longue, trop flamboyante. Sa musicalité détourne l’attention de l’action-même. C’est en effet durant cinq minutes, ponctuées par un solo de hautbois, que le personnage de Gugliemo proclamait un amour et une confiance absolus envers sa compagne, tout en vantant ses propres prouesses. Si les choix du compositeur font sens, cet air aurait tout à fait eu sa place dans la version finale de l’opéra, les spécialistes de Mozart l’ont encensé le considérant comme l’un des meilleurs airs d’opéra bouffe de tous les temps.
Air de concert, K. 431 • « Misero o sogno… Aura che intorno spiri »
Composé pour le drame musical Thémistocle de Métastase, cet air concertant fut aussi conçu pour le ténor Adamberger, à la technique duquel Mozart portait un intérêt particulier,lui inspirant l’écriture de plusieurs de ces pièces concertantes. Dans cet air, Thémistocle est prisonnier et exprime son désespoir, à travers un long récitatif doublé de moments de bravoure où l’orchestre s’interrompt et laisse la voix prendre les devants. La dramaturgie de cet air exige un acteur chevronné, capable d’invoquer un véritable déchirement lyrique.
Air de concert, K. 621a • « Io ti lascio o cara addio »
Après une courte introduction lancinante, cet air évoque les adieux à l’être aimé, à travers une complainte d’amour aigre-douce. On retrouve toujours cette tendance à l’emportement et aux changements de rythme chers à Mozart, mais nous n’avons cependant pas de garantie que cette pièce soit de son seul fait. L’air serait en effet supposément issu d’une collaboration avec Gottfried Von Jacquin qui aurait écrit la partie vocale afin de dire adieu à l’un de ses amis chanteurs.
Symphonie n°35 en ré majeur, K. 385, dite « Haffner-Sinfonie »
Dédiée au maire de Salzbourg, Sigmund Haffner, récemment anobli, cette œuvre à mi-chemin entre la symphonie et la sérénade se décline en quatre mouvements. Elle est le produit d’un Mozart fatigué qui, à l’époque, venait d’achever Die Entführung aus dem Serail.ément parler de l’une des symphonies les plus innovantes et surprenantes de Mozart, qui reconnaîtra lui-même avoir été surpris lors de sa première exécution.
• Allegro con spirito
Le thème est ici exposé par tout l’orchestre à l’unisson. Trop intense pour être considérée comme une simple musique de cour, cette première partie peut évoquer l’agitation ou l’agacement dont nous parlions plus haut dans le chef du compositeur : beaucoup d’émotions, de gammes rapides jouées avec emphase et un accent certain sur le rythme pour une partition que Mozart voulait entendre jouée « avec beaucoup de feu ».
• Andante
Orchestration réduite pour cet Andante, plus intimiste voire chambriste, qui consiste simplement en deux sections répétées deux fois. Lyrisme et douceur y sont de mise.
• Minuetto – Trio
Cette troisième partie continue de renouer avec l’esprit de la sérénade ainsi qu’avec la structure « ABA » propre au format du menuet. La partie centrale est un trio : les mélodies y sont simples, essentielles et ne s’encombrent pas d’effets à outrance puisqu’elles font peu intervenir les sections cuivres et percussions ’orchestre.
• Presto
Enjoué et galopant, ce mouvement conclut la Symphonie Haffner en apothéose. Les pupitres de cordes et de bois y rivalisent de virtuosité dans de nombreuses doubles croches que Mozart voulait “jouées le plus vite possible”.