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« Lucia di Lammermoor a été représenté et permets-moi de dire d’une manière si chaleureuse que j’en suis embarrassé et c’est pourtant la vérité. On a aimé, on a aimé beaucoup si j’en crois les applaudissements et les compliments que j’ai reçus. J’ai été rappelé de nombreuses fois avec les chanteurs… »

Lettre de Donizetti à son ami éditeur de musique Giovanni Ricordi quelques jours après la création au Teatro di San Carlo de Naples.

En à peine six semaines, Donizetti compose un de ses plus grands succès, qui pourtant faillit ne pas voir le jour !

Contexte difficile mais fin heureuse

En 1835, année de la composition de Lucia di Lammermoor, Donizetti est déjà un musicien célèbre dans toute l’Italie et il court d’une ville à l’autre, de création en création. Seul rival encore à son actif, depuis que Rossini a tiré sa révérence : Vincenzo Bellini. Entre deux voyages, de retour au bercail, il doit honorer une commande de trois opéras ordonnée pour le Teatro di San Carlo de Naples. Le temps lui manque et il se précipite, pour le premier des trois, sur The Bride of Lammermoor, un roman de Walter Scott publié en 1819. Du côté du livret, c’est une première pour Donizetti, il travaille avec le napolitain Salvatore Cammarano, avec lequel il poursuivra sa collaboration sur une bonne demi-douzaine d’ouvrages par la suite. En seulement six semaines, Donizetti compose Lucia di Lammermoor ! La création de l’œuvre se déroule non sans difficulté : le Teatro di San Carlo est au bord du gouffre, la faillite pointe. Et pourtant, la création a bel et bien lieu le 26 septembre 1835, Lucia connaît un triomphe inouï. Immédiatement, l’œuvre est reprise dans le monde entier et l’engouement du public à son égard ne s’essoufflera jamais.

Du bel canto de folie

Dans cette atmosphère des brumes écossaises, Lucia aime sans compter Edgardo, d’un amour pur, sincère, d’un genre un peu à la « Roméo et Juliette ». Mais cet amour apparaît trop dangereux pour ceux qui l’entourent : il ne peut durer. Pourtant déterminée au départ, Lucia, un brin extravagante, perd pied, petit à petit, dépouillée de sa seule raison d’être, pour en arriver à un point de non-retour.

Scène de haute voltige, l’air de la folie est un des moments forts, pour ne pas dire le plus crucial du drame. Redouté par les sopranos coloratures et tant attendu du public, c’est ce moment intense où la voix, dans son ascension, nous conduit au cœur même des états d’âme qui ont traversé Lucia. D’abord douce et tendre, elle s’envole petit à petit vers des sommets d’éblouissantes vocalises, expression de la dérive progressive de la jeune femme : de la haute voltige, du bel canto stratosphérique sublimé de plus par une complémentarité de la dramatisation musicale. Un moment suspendu … où tout aurait pu être mais ne sera jamais.