Spectacle

Focus sur Mignon d'Ambroise Thomas

Oserait-on dire que Mignon est une œuvre qui enflamme ?! Car si Mignon « entraîne » en 1887 la destruction par les flammes de la Salle Favart, que dans l’œuvre même un incendie se déclare à l’acte II dans la véranda du château où les protagonistes séjournent et que Mignon est prise dans les flammes, il est aussi et surtout vrai qu’aucun opéra-comique n’avait, du vivant de son compositeur, autant enflammé le public !

Grands auteurs-Ambroise Thomas-feu

Tout comme Rossini ou Verdi se sont emparés, par exemple, de l’Othello de Shakespeare pour en faire une version opératique, Ambroise Thomas se régala aussi des grands auteurs. Il est assez courant effectivement de retrouver à l’opéra des histoires provenant de la littérature ou du théâtre, certes avec quelques ajustements ou adaptations effectués par les librettistes, voire même parfois aussi par le compositeur, comme ce fut le cas pour Mignon.

Et c’est avec deux grands auteurs, Shakespeare et Goethe, qu’Ambroise Thomas embrasa, au propre comme au figuré, deux salles parisiennes. En 1873, le 28 octobre, alors que l’Opéra de Paris s’apprêtait déjà à fêter la 100e d’Hamlet, le feu se déclara et ravagea tout sur son passage. Ensuite, le 25 avril 1887… éclata l’incendie qui détruisit la Salle Favart à l’Opéra Comique, lors de la 745e représentation de Mignon.

Le mot de la fin sera pour Goethe

L’histoire de Mignon trouve sa source chez Goethe et son roman Wilhelm Meisters Lehrjahr (Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister), écrit de 1777 et à 1785, qui suit le personnage de Wilhelm Meister dans son cheminement vers la réalisation de soi. À l’opéra, Ambroise Thomas centre son Mignon sur le livre II/chapitre IV, lui offrant, lors de la création, une fin heureuse, contrairement à Goethe, mais surtout comme c’était la norme pour les opéras de l’Opéra Comique à l’époque.

Mais cette version avec fin heureuse ne fut que de courte durée car, une fois Mignon traduit en allemand, le public allemand fut plus que mécontent de ce changement de final. Thomas dut donc alors revoir sa copie : retour à l’original de Goethe et à sa fin tragique, dans laquelle Mignon meurt dans les bras de Wilhelm !

Sujet bien ficelé et belle mélodie

« Elle révèle, comme le souligne Berlioz, de la grâce, du feu, de la vivacité, du piquant, de l’émoi… et beaucoup de tact ! ». Eh bien oui, c’est en ces termes que Berlioz évoque la musique de Thomas. Pas mal pour un compositeur auquel certains ont parfois reproché de se retrancher derrière une forme d’académisme.

Avec Mignon, Thomas aura laissé à l’opéra-comique l’un de ses plus beaux fleurons : l’histoire est bien ficelée, par le duo de librettistes Barbier/Carré et la musique, tel un soulignement, touche par sa simplicité et la finesse de son trait dramatique.

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