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A l’opéra quand on pense Otello, on pense le plus souvent, pour ne pas dire toujours, à Verdi et Shakespeare. Quand Rossini s’en empare, Otello devient Otello, Ossia Il Moro di Venezia dont l’histoire s’éloigne quelque peu de la trame shakespearienne pour en devenir un autre chef-d’œuvre aux profondeurs abyssales.

 

Otello à la mode opera seria

En opéra, on compte une quinzaine de genres différents : tragédie lyrique, opéra-comique, singspiel, grand opéra, opérette, dramma giocoso, et neuf autres encore parmi lesquels l’opera seria.

Alors, l’Othello de Shakespeare à la mode opera seria, ça donne : Otello, Ossia Il Moro di Venezia, signé Rossini.

L’opera seria que l’on appelle également dramma per musica est un opéra dit de tradition, en langue italienne, très codifié et en vogue dans toute l’Europe, au XVIIIe siècle. Nous sommes bien loin donc d’un autre genre que Rossini affectionne où le rire et la légèreté sont habituellement de mise. En opera seria, passions dévorantes, tromperies, désespoir, menaces mortelles… sont plutôt à l’honneur, le tout parsemé d’émotions graves. Mais ça ne se limite pas qu’à ça et ce n’est pas uniquement une affaire de ton. Ce genre extrêmement codifié répond à des règles très strictes dans sa composition avec : une ouverture, la plupart du temps en trois parties, suivie de trois actes structurés en scènes dans lesquelles des récitatifs sont le moteur de l’action et lient entre eux des airs souvent virtuoses.

Un autre Otello

C’est en 1816, plusieurs années avant celui de Verdi, que Rossini présente son Otello, en trois actes, au Teatro del Fondo de Naples, le San Carlo ayant brûlé peu avant. Dans cet Otello napolitain, on y retrouve un peu de Shakespeare, mais seulement un peu, le livret de Francesco Berio s’inspirant davantage d’autres utilisations comme celle de Giraldi Cinthio, du XVIe siècle, ou encore peut-être même d’un drame créé à Naples en 1813, Otello, du baron Giovanni Carlo Cosenza.

En quelques mots, que donne Otello, Ossia Il Moro di Venezia versus Othello ? La version napolitaine s’éloigne quelque peu de celle du dramaturge anglais en se centrant davantage sur l’intimité ouverte entre le Maure, déjà secrètement marié, et Rodrigo, dont l’amour pour Desdemona n’est pas partagé, que sur la figure de Iago. Autre différence, le fameux mouchoir anglais est remplacé par un billet d’amour que le véritable destinataire, Otello, croit être adressé à Rodrigo, son rival. Quant à Elmiro, le père de Desdemona, le Maure voit en lui un véritable adversaire politique. Bien que ces changements provoquent quelques grincements de dents prévisibles, cette œuvre a apporté à Rossini un beau succès. Si l’arrivée de l’Otello de Verdi a éclipsé la version rossinienne, cette dernière reprend un peu d’élan depuis les années 50. Sa rareté en fait un joyau à découvrir !

 

Otello Ossia Il Moro di Venezia 

A voir du 19 au 31 décembre sur notre scène.