« Oh ! Le Roi s’amuse est l’histoire la plus grande et peut-être le drame le plus beau des temps modernes. Triboulet est un personnage digne de Shakespeare ! (…) Récemment, en réfléchissant sur différentes possibilités, Le Roi m’est revenu à l’esprit, ce fut comme la foudre, une inspiration, et je me suis exclamé : « Oui, mon Dieu, un sujet pareil, on ne peut pas se tromper. » Alors remue Venise de fond en comble et fais que la censure accepte le sujet ».
Lettre de Verdi à Francesco Maria Piave, Busseto, le 8 mai 1850
Premier volet de la trilogie populaire aux côtés de Il Trovatore et de La Traviata, au succès jamais démenti, le sujet de Rigoletto fut d’abord qualifié par la censure « d’une grande répugnance morale et d’une vulgarité obscène. ». Oh là là …
Un enthousiasme sans retenue
Composé au début de l’année 1851, Rigoletto est le premier volet de la trilogie populaire verdienne ainsi que le premier des chefs-d’œuvre absolus du Cygne de Busseto. C’est une pièce de Victor Hugo, qui avait pourtant connu un échec cuisant, qui forme la base de l’opéra : Le Roi s’amuse, créée au Théâtre Français en 1832. Mais Verdi est séduit par le personnage du bouffon qui, dit-il, « est une création digne de Shakespeare ». Avec Piave, son librettiste habituel, il travaille d’arrache-pied à ce drame qu’il destine à La Fenice de Venise et lui donne une forme musicale sublime du début à la fin. La censure toutefois ne l’entend pas de cette oreille : ce sujet « d’une grande répugnance morale et d’une vulgarité obscène » est d’abord interdit puis, après négociation, remanié à contrecœur par le compositeur jusqu’à ce qu’il y ait consensus. Rigoletto, créé le 11 mars 1851, soulève un enthousiasme sans retenue : le lendemain, tout Venise fredonne « La donna è mobile », l’air du ténor.
Une écriture passionnée
Plus encore que le succès de l’œuvre, c’est l’avancée fondamentale dans l’écriture verdienne qui est à souligner et à retenir : il n’y a plus ici une suite de morceaux juxtaposés, mais un développement musical qui suit au plus près l’action. L’orchestre, quant à lui, y joue un rôle de plus en plus essentiel. Avec Rigoletto, Verdi s’affirme définitivement comme le compositeur qui opère la fusion des émotions théâtrale et musicale. Il est l’auteur d’une œuvre puissante ; il est le compositeur des passions sublimées par la musique.