Je suis très fière d’avoir la chance de diriger à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège la version intégrale d’I Puritani de Vincenzo Bellini.
Nous avons la chance d’avoir pour cette production les plus grands chanteurs de bel canto d’aujourd’hui, en particulier le ténor Lawrence Brownlee dans le rôle d’Arturo et la soprano Zuzana Marková dans celui d’Elvira. Le metteur en scène Vincent Boussard et moi-même avons donc décidé de faire l’œuvre complète, y compris des parties qui ne sont pratiquement jamais jouées. Une version intégrale telle que celle que nous allons jouer est très rarement représentée : comme l’opéra est très long, compliqué et difficile à chanter, il est fréquent que les reprises des cabalettes ou les répétitions de chœurs soient coupées.
Par exemple, le grand final de l’acte I comporte un très beau trio en Si Majeur entre le ténor, le baryton et la mezzo, Se il destino a te m’invola. Ce trio d’une beauté incroyable est très difficile à chanter pour le ténor : c’est pourquoi il est pratiquement toujours coupé. Pour cette production, nous avons décidé de le jouer. Ce sera, je pense, la première fois depuis très longtemps que l’on pourra entendre ce trio, qui n’apparaît sur aucun enregistrement d’I Puritani !
La grande scène du duo de l’acte III entre Elvira et Arturo comporte quant à elle un passage en Ré Majeur, qui n’est quasiment jamais joué. Ce passage du duo est d’une rare beauté et comme nous avons deux interprètes exceptionnels d’Elvira et d’Arturo, nous avons décidé de le rajouter !
Enfin, beaucoup de coupures sont habituellement pratiquées dans le final de l’opéra. Ici, nous avons décidé d’en jouer l’intégralité car elle fonctionne bien avec la mise en scène de Vincent Boussard, et son grand coup de théâtre final.
Les solistes, l’orchestre, le chœur et moi-même avons également réalisé un important travail sur le style musical propre à l’œuvre de Bellini. La grande difficulté de sa musique réside dans la délicatesse de ses accompagnements, dans ses nuances pianissimi et dans ses couleurs presque lunaires. Parfois, l’accompagnement d’un air ne se compose que de quelques pizzicati, quelques triolets… L’on retrouve ces caractéristiques dans tous ses opéras. La Sonnambula, peut-être le plus difficile des opéras de Bellini, en est un parfait exemple, ainsi qu’I Puritani.
Pour les chanteurs, il est fondamental de parvenir à soutenir la tessiture pour chanter les mélodies d’une manière touchante. C’est pour cette raison que toutes les variations, les notes aiguës, les acrobaties vocales, seront réalisées avec un respect absolu de l’écriture de Bellini. Une grande intimité entre orchestre, chœur et chanteurs est absolument nécessaire pour rendre justice à l’invention mélodique et dramatique inouïe du compositeur.
Dans les nombreuses répétitions des cabalettes, nous avons ajouté beaucoup de grandes variations et de suraigus, toujours dans le respect de la manière dont Bellini envisageait la fin de ses numéros. Concrètement, il s’agit d’octavier vers le haut des notes sur les accords de dominante lorsqu’ils vont vers la tonique, et pas l’inverse (ce que l’on appelle, en italien, des puntature in su) !
La version d’I Puritani que nous présentons à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège a donc un profond intérêt musical : ce sera l’occasion -rare- d’entendre tout ce que Bellini a écrit pour son ultime opéra. Je vous souhaite de passer un excellent moment musical en notre compagnie, en salle lors d’un spectacle ou grâce à la diffusion en streaming le 22 juin prochain.
Speranza Scappucci, Directeur Musical de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège