Spectacle

Focus sur "Les Dialogues des Carmélites" de Francis Poulenc

Qui dit opéra, dit le plus souvent ou presque : passions, jalousies, meurtres, suicides… Autant d’ingrédients qui attirent en général les compositeurs face aux émotions fortes, extrêmes qu’ils suscitent. Mais, il y a quelques exceptions à cela : fonctionnant sur un autre mode, Dialogues des Carmélites en fait partie.

Quand l’histoire révèle notre intériorité

En se basant sur le scénario de Bernanos, adapté au théâtre quelques années plus tôt, Poulenc livre en 1957 un opéra d’une modernité saisissante, un écho à notre monde intérieur, aux questions qui nous traversent et nous renversent parfois, pour nous pousser dans nos retranchements jusqu’à guider notre vie. Le questionnement qui intéressait Poulenc dans ce texte de Bernanos était celui de la conscience et de la dépossession de soi en situation de menace.

Dialogues des Carmélites relate le destin tragique de religieuses qui, alors que règne la Terreur peu après la Révolution française, vivent entre l’espoir et la peur, sous la menace constante de la guillotine.

Mais au-delà de l’aspect historique, il s’agit aussi de dialogues, forme de débats, de questionnements philosophiques et théologiques. Dans les grandes lignes, les Dialogues questionnent, nous questionnent sur notre perception, nos attitudes face à la peur, à la foi, à la mort et à l’injustice, au martyre et à l’héroïsme.

Quelle nonne êtes-vous ?

Alors que la règle monastique tend plutôt à un effacement des signes extérieurs des personnalités et à faire taire toute forme de manifestation appuyée des caractères individuels, Bernanos d’abord, Poulenc ensuite, donnent du relief à leurs personnages. Ils esquissent ainsi avec réalisme des caractères humbles, diversifiés et justes pour chacune des religieuses.

Parmi l’ensemble de celles-ci, quatre en particulier émergent pour nous rappeler qui nous sommes ou pourrions être :

  • la seconde Prieure incarne la sagesse et la prudence. Fidèle à la règle, son tempérament de prime abord austère ne l’est pas tout à fait ;
  • Mère Marie de l’Incarnation est charismatique, une femme de convictions, une forte personnalité au tempérament entraînant ;
  • Sœur Constance est un rayon de soleil au caractère positif, touchante d’humanité et de vie, indisciplinée et sincère ;
  • Sœur Blanche est d’un tempérament plus fragile et dominé par la peur et l’incertitude.

Poulenc complète ainsi les intentions de Bernanos et fait ressortir ces nuances en utilisant l’intégralité de la palette vocale féminine : du sombre et dramatique contralto de la Prieure au soprano léger de Constance. Musicalement, il signe un opéra parmi les plus captivants et les plus théâtraux du répertoire.